Taux de testostérone et syndrome de fatigue chez le patient dialysé

Un taux bas de testostérone est associé à une masse osseuse et musculaire plus faible. La carence en testostérone est fréquente au stade 5 de la MRC, près de 40% de la population mâle contre 6 à 10% dans la population générale.
Le syndrome de fatigue ou frailty est prévalent dans la MRC, il est multifactoriel et associe l’âge de la population et le cumul de maladie chronique.
Certaines conséquences de la baisse du taux de testostérone et de frailty sont identiques : dysfonction musculaire et sarcopénie. Quelle est la relation entre les deux : association ou conséquences ?
Une cohorte de 771 patients hémodialysés (depuis plus de 3 mois) dans 14 centres US sont suivis annuellement après inclusion entre 2009 et 2011. L’objectif de cette étude prospective est d’analyser les facteurs liés à l’activité et de mieux préciser le « paradoxe » survie-obésité. 456 hommes en font partie, 440 sont inclus dans la présente analyse.
La testostérone et sa protéine porteuse (SHBG) sont mesurées à l’inclusion et à 12 mois. Le syndrome de fatigue est estimé à partir du score de Fried, la force musculaire est mesurée par le handgrip et la force du quadriceps.
La dépression est évaluée par questionnaire. L’activité physique par une batterie de tests physiques (Short physical performance battery, SPPB). La masse musculaire est aussi évaluée par impédancemétrie multifréquence. Le score de comorbidité est évalué au cours de l’examen clinique et anthropométrique.
L’âge moyen est de 56 ans, 60% des patients sont afro-américains. La médiane de testostérone totale est de 267 ng/dL (dosage ELISA) et de la libre 147 pmol/L. Les patients sont répartis en 2 groupes : taux bas < 147 pmol/L et taux élevé.
Les patients du groupe bas sont plus souvent « frail » (risque relatif 1.4) et ont une activité plus faible (RR 1.44). A 12 mois, les patients du groupe faible ont 40% de chance de plus de devenir « frail » au cours de l’année.
Un taux bas est associé à 2 composantes du syndrome de fatigue : force musculaire et vitesse du quadriceps. Un taux bas est aussi associé à la sarcopénie (RR 1.55), à une masse musculaire plus faible et au risque de voir la masse musculaire diminuer au cours de l’année.
Quelques études sur de petites cohortes avaient déjà montré la relation entre taux bas de testostérone et frailty. Les études de supplémentation par testostérone ou androgènes ont donné des résultats contrastés chez le patient dialysé. Le traitement androgène avait été utilisé avant l’ère de l’EPO dans le but de traiter l ‘anémie. La masse musculaire augmente mais pas toujours la fonction ou la force, en particulier en l’absence d’une augmentation de l’activité physique (2).
L’association entre taux bas et dégradation de la fonction musculaire est un argument pour une supplémentation. La question des effets secondaires et de la sécurité de la supplémentation en testostérone a souvent été évoquée : incidence du cancer de la prostate, majoration du syndrome d’apnée du sommeil, augmentation du risque de maladie cardio-vasculaire.
Un essai récent, chez la personne âgée, publié dans le NEJM ne permet pas de répondre à ces questions et ne montre pas non plus d’amélioration des capacités physiques (3). Une étude chez le patient dialysé reste donc à faire.
Références :
1. Carrero JJ, Qureshi AR, Nakashima A et al. Prevalence and clinical implications of testosterone deficiency in men with end-stage renal disease. Nephrol Dial Transplant 2011 ; 26:184–190
* Retrouvez l’abstract en ligne
2. Johansen KL, Painter PL, Sakkas GK et al. Effects of resistance exercise training and nandrolone decanoate on body composition and muscle function among patients who receive hemodialysis: a randomized, controlled trial. J Am Soc Nephrol 2006 ; 17:2307–2314
* Retrouvez l’abstract en ligne
3. Snyder PJ, Bhasin S, Cunningham GR et al. Effects of testosterone treatment in older men. N Engl J Med 2016 ; 374:611–624
* Retrouvez l’abstract en ligne
Article commenté :
Low testosterone is associated with frailty, muscle wasting and physical dysfunction among men receiving hemodialysis: a longitudinal analysis.
Chiang JM, Kaysen GA, Segal M et al.